CONDITIONS DE VALIDITE DES CLAUSES LIMITATIVES DE RESPONSABILITE DE CONTRAT INFORMATIQUE

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Lors de la conclusion d’un contrat informatique, les parties incluent le plus souvent une clause limitative ou exclusive de responsabilité. C’est une clause qui permet à une partie de restreindre sa responsabilité et même de l’exclure. Cependant, suite à plusieurs décisions, il est apparu un doute sur la validité de ces clauses. En effet, les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité sont des clauses qui font toujours débat en jurisprudence tant leur conjugaison avec la liberté contractuelle n’est pas évidente.

La liberté contractuelle est donc un postulat selon lequel les individus doivent être libres de définir eux-mêmes les termes de leurs propres contrats, sans aucune interférence d'autrui. Cela dit, les juges et le législateur veillent à ce que cette liberté ne soit pas totale. La liberté contractuelle est donc limitée. Les conditions de validité des clauses limitatives de responsabilité de contrat informatique viennent alors se positionner comme étant des limites à cette liberté contractuelle.


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Dans un célèbre litige Oracle/Faurécia qui dure depuis près de 10 ans, la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 29 juin 2010, s’est prononcée sur le régime des clauses limitatives de responsabilité, et a tenté de résoudre les difficultés liées à la notion d’obligation essentielle. Cet arrêt tournera donc essentiellement autour des conditions de validité des clauses limitatives de responsabilité de contrat informatique. La complexité de ce dossier prouve à quel point les litiges en rapport avec les conditions de validité des clauses limitatives de responsabilité de contrat informatique ne sont pas simples à trancher.

À cet égard, il conviendra d’abord de préciser la pensée de la Cour de cassation (1), pour ensuite identifier des critères de qualification du manquement à l'obligation essentielle (2). Cerner les conditions de validité des clauses limitatives de responsabilité de contrat informatique sera dès lors plus facile.

 

I. L’admission des clauses limitatives de responsabilité

Après qu’une certaine incertitude ait plané au dessus de l’existence juridique de ces clauses au regard du droit positif, il apparait aujourd’hui avec cet arrêt de juin 2010 que l’on revient aux sources (A) de leur validité, posée par les arrêts Chronopost 1 et 2. Il est également utile de s’intéresser à l’équilibre contractuel qui en découle (B).

A. Un retour aux sources

C’est par un attendu limpide que la Chambre commerciale de la haute cour a affirmé que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ».

Ainsi, dès lors que le plafond d’indemnisation sera dérisoire, vidant par là même l’engagement de sa substance, la clause litigieuse devra être sanctionnée et donc réputée non écrite.

Cette décision rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, le 26 novembre 2008, aux termes duquel le plafond de responsabilité stipulé dans un contrat de service informatique doit être respecté même quand le prestataire a manqué à son obligation essentielle, si ce plafond n’est pas dérisoire et ne vide pas l’engagement du débiteur de sa substance.

Signalons que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris précité était un arrêt de résistance à la jurisprudence dégagée dans un arrêt du 13 février 2007 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui jugeait au visa de l’article 1131 ancien du Code civil (donc sur le fondement de la cause) que la clause limitative de responsabilité devait être anéantie automatiquement dès lors qu’était relevé un manquement à une obligation essentielle, peu important que la clause ait pour effet d’inciter le débiteur à bien exécuter son engagement. Peu importait ainsi l’appréciation par les juges du fond du caractère dérisoire du montant maximal de l’indemnisation prévu par la clause.

La solution dégagée dans l’arrêt du 29 juin 2010 renoue donc avec le principe de la liberté contractuelle qui postule la validité des clauses réduisant l’obligation de réparation. En d’autres termes, cette décision restaure cette liberté en échappant au mécanisme jurisprudentiel de sanction automatique introduit en droit positif en 2007.

La détermination d’un plafond de réparation non dérisoire reviendra aux avocats, rédacteurs des actes, qui devront apprécier l’économie du contrat pour faire échapper la clause de responsabilité à toute sanction.

Par ailleurs, le juge devra à présent se livrer à une appréciation « in concreto », non seulement de la clause du contrat et donc de l’économie du contrat, mais également du caractère dérisoire ou non de l’indemnisation prévue par la clause. Le juge conservera ainsi un pouvoir d’annulation en cas d’inexécution dolosive ou de faute lourde commise par le débiteur de l’obligation.

Aussi, cette décision du 29 juin 2010 revient vers davantage d’orthodoxie juridique et renoue avec la jurisprudence Chronopost qui a posé la règle selon laquelle c’est en raison du manquement à une obligation essentielle que la clause limitative de responsabilité du contrat qui contredit la portée de l’engagement pris doit être réputée non écrite. Ce type de clause a par ailleurs un impact sur l’équilibre du contrat.

B. L'équilibre contractuel

Comment apprécier l'équilibre contractuel dans des cas complexes comme celui de l’affaire Oracle/Faurécia ?

Se limiter à la seule analyse du plafond de responsabilité vaut uniquement pour des prestations simples : livrer un colis dans un délai donné (Chronopost), intervenir en urgence pour maintenir un système informatique (Sécurinfor), vendre un fonds de commerce de bar-restaurant susceptible d'être ouvert au public (Cass. com., 9 juin 2009).

En revanche pour des prestations complexes à objets multiples tel qu'en l'espèce un projet informatique lourd, l'appréciation de l'équilibre du contrat ne se résume certainement pas au seul plafond de responsabilité. Dans l'arrêt Oracle/Faurécia de novembre 2008, la cour d'appel considérait « (...) que la clause limitative de réparation, telle qu'elle a été librement négociée et acceptée par la société Faurecia, équipementier automobile au niveau mondial, rompu aux négociations et averti en matière de clause limitatives de réparation, n'a pas pour effet de décharger par avance la société Oracle du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation, mais seulement de fixer un plafond d'indemnisation qui n'est pas dérisoire, puisque égal au montant du prix payé par le client au titre du contrat de licences ; qu'en accord entre les parties, il a été expressément stipulé que les prix convenus reflétaient la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résulte (...) ».

La cour considérait un ensemble d'autres éléments spécifiques à la relation litigieuse et concluait « à la lumière de l'ensemble de ces éléments qu’en l'espèce, la clause limitative de réparation ne prive pas la société Faurécia de toute contrepartie et n'a pas pour effet de vider de toute substance l'obligation essentielle incombant à la société Oracle ».

Le plafond de responsabilité n'a donc pas été le seul critère pris en compte pour déterminer l'équilibre global. L'ensemble du comportement du débiteur est à considérer pour vérifier si la limitation de responsabilité constitue une relative impunité incitant à l'inexécution.

En outre, les seules clauses des contrats ne résistent pas à l'analyse des juges : ces derniers veulent trouver le réel équilibre contractuel, déjouer les formules de style, analyser le comportement du débiteur en pratique ; ces décisions Oracle sont typiques d'une tendance forte des magistrats visant à revisiter le contrat pour en déduire l'équilibre, et l'économie.

Cette recherche est légitime : les limitations de responsabilité ne doivent pas permettre au débiteur de sortir à bon compte d'un contrat dont l'exécution s'avère trop contraignante. Lorsqu'il est moins coûteux pour le débiteur de ne pas exécuter ses obligations plutôt que de les respecter grâce à la limite de responsabilité, la cause vient rectifier ce déséquilibre et invalide à juste titre la limitation de responsabilité.

Cette recherche d'équilibre n'en est toutefois pas moins délicate car soumise à interprétations. Ainsi, pour limiter les risques liés à ces analyses, il est recommandé aux rédacteurs d'y exprimer le contexte et la cause de leurs engagements.

A présent, il est bienvenu de dégager des critères permettant de délimiter le manquement à l’obligation essentielle, c'est-à-dire des critères permettant de définir la clause limitative de responsabilité.

 

II. Le manquement à l'obligation essentielle

Aux termes de l'arrêt Thalès du 5 juin 2007 rendu par la chambre commerciale, les juges devaient vérifier si les clauses limitatives de responsabilité ne portaient pas atteinte à une obligation essentielle.

Or, comment caractériser une, voire plusieurs, obligations essentielles pour un contrat ou un ensemble contractuel donné ?

D’abord, l’obligation essentielle n’est pas la prestation caractéristique (A). Et il faut s’intéresser à la notion de cause pour définir l’obligation essentielle (B).

A. L'obligation essentielle n'est pas la prestation caractéristique

À la lumière de la jurisprudence, il y a lieu de distinguer l'obligation essentielle de la prestation caractéristique. Cette dernière sert tout à la fois à déterminer la loi applicable à des contrats internationaux et à rattacher un contrat à l'un des contrats nommés pour déterminer son régime juridique.

Par exemple, l'arrêt Securinfor du 17 juillet 2001 portait sur l'inexécution d'un contrat de maintenance dans lequel la prestation caractéristique était une obligation de faire qui permettait de qualifier ce contrat de contrat d'entreprise. L'obligation essentielle consistait en une intervention corrective en urgence. De la même façon, dans le cas d'une prestation de transport rapide (Chronopost), l'identification est assez simple : livrer le colis dans le délai prévu de façon impérative dans le contrat. Ce sont des cas simples.

En revanche, identifier la ou les obligations essentielles dans des ensembles contractuels complexes est particulièrement délicat. Tel était le cas dans l'affaire Oracle/Faurécia, dans laquelle il a été jugé que les parties étaient liées par quatre contrats (contrat de licence, un contrat de mise en oeuvre, un contrat de support technique, un contrat de formation), mais aussi par des courriers pré et post contractuels alors même qu'une clause excluait toute force obligatoire aux documents extracontractuels.

Il y avait également de très volumineux échanges techniques intervenus lors du déroulement du projet informatique dont les experts informatiques mandatés pour les tribunaux tiennent hautement compte.

Livrer la Version 12 du progiciel était évoquée dans le seul contrat de support technique au titre des futures versions à intervenir. En outre, pour développer cette V12, « l'article 8 du contrat de support technique prévoyait que la société Faurecia, serait le principal représentant européen participant à l'Automotive Customer Advisory Board, comité destiné à mener une étude globale afin de développer un produit Oracle pour le secteur automobile et bénéficierait d'un statut préférentiel lors de la définition des exigences nécessaires à une continuelle amélioration de la solution automobile d'Oracle pour la version V12 d'Oracles applications et au-delà (...) ».

Cette élaboration de la V12 ne se résumait pas à une fourniture pure et simple mais impliquait des obligations de faire complexes comprenant une forte collaboration entre les parties.

Livrer la V12 a pourtant été considéré comme l'obligation essentielle de cet ensemble contractuel.

Pour la Cour de cassation, la livraison de la V12 fut considérée comme le but final recherché par les parties et à ce titre comme étant l'obligation essentielle de l’ensemble contractuel. Il faut examiner cette notion dans la perspective de la cause.

B. Obligation essentielle et article 1131 ancien du Code civil : le recours naturel à la notion de cause

But final, étape ultime d'un processus long et complexe comprenant autant d'étapes intermédiaires, objectif à atteindre... Qu’est-ce finalement que l’obligation essentielle, et en quoi ce critère est-il signifiant ?

Par exemple, le but ultime de la création d'une société commerciale est de faire des profits ; pour autant, l'absence de profit ne prive pas de cause l'engagement des associés.

La cour d'appel de Paris, dans son arrêt de 2008, n’avait pas repris stricto sensu l'assimilation au « but final » et considérait « qu’Oracle n'a pas livré la version 12, en considération de laquelle Faurécia avait signé les contrats litigieux (...), qu'elle a ainsi manqué à une obligation essentielle ».

Ainsi selon elle, l'obligation en considération de laquelle une société souscrit un engagement constitue l'obligation essentielle.

Au-delà des différences de terminologie, pour identifier l'obligation essentielle il faut donc déterminer ce qui est entré dans le champ contractuel. L'analyse est ainsi « in concreto ».

Cette approche de l'obligation essentielle est le corollaire d'une appréciation concrète et subjective de la cause. Le professeur Jacques Ghestin prône une telle définition contractuelle de la cause qui doit s'entendre comme la « contrepartie convenue » pour chacune des parties.

Par ailleurs, la Cour de cassation a indiqué en l’espèce comment elle concevait le manquement à l'obligation essentielle.

Le demandeur prétendait que le manquement à une obligation essentielle constituait une faute d’une gravité telle qu’elle aurait du tenir en échec la clause limitative de réparation. Selon le moyen, le manquement à l’obligation essentielle devait ainsi être assimilé à une faute lourde. De manière prévisible, la Cour l’a rejeté, affirmant que «la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ».

La faute lourde paralyse par-elle-même et en toutes hypothèses les clauses restrictives de responsabilité : elle ne saurait donc se déduire du seul manquement à l’obligation essentielle qui doit, pour parvenir au même résultat se doubler d’une contradiction à la portée de l’engagement.

Car au-delà du manquement à l’obligation essentielle, c’est la contradiction du débiteur, qui s’est engagé contractuellement et utilise la convention elle-même pour se soustraire à ses effets, qui doit être sanctionnée. Comme l'écrivait Denis Mazeaud, « on ne peut, sans se contredire au détriment d'autrui, conclure un contrat qui engendre une obligation fondamentale et, dans le même temps, imposer une clause dont le jeu revient, peu ou prou, à neutraliser celle-ci » (D. Mazeaud, obs. sous Cass. com., 8 mars 2005, RDC 2005, p. 1015).

Ainsi en conclusion, la Cour de cassation veille de façon opportune à limiter les abus de la liberté contractuelle. Elle rétabli en droit positif la validité des clauses limitatives de responsabilité, tout en encadrant leur régime. Surtout, elle met enfin un terme à la « saga » Oracle-Faurécia. Malgré cela, il n’est pas impossible que cet éternel débat contractuel soit de nouveau ouvert dans l’avenir…

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