LA RUPTURE DES POURPARLERS EN INFORMATIQUE

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Dans la plupart des contrats informatiques, avant toute signature, les contractants sont entrés en pourparlers afin de discuter des modalités du contrat. Cependant, les pourparlers constituent seulement une négociation, et donc ne devraient pas engager les parties, pourtant la rupture abusive des pourparlers est sanctionnée.

C'est pourquoi, les tribunaux ont reconnu que l'abus dans la rupture des pourparlers pouvait constituer une faute qui donne droit à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la victime.

 


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I. La liberté de rompre les pourparlers.

Le principe est que les parties peuvent à tout moment rompre les pourparlers et négocier avec plusieurs partenaires commerciaux.

A) Principe: la liberté de rompre les pourparlers.

Tant que les parties n'en sont qu'aux simples pourparlers, la rupture est en principe licite, elle n'engage pas la responsabilité de son auteur.

La liberté de ne pas aboutir, de ne pas conclure, doit en effet être préservée; chacun supportant seul, les frais engagés par les négociations, notamment le coût des études préalables qui sont un risque commercial assumé.[1]

En effet, il serait injuste de sanctionner une rupture des pourparlers dès lors qu'elle est justifiée par un désaccord sur des éléments essentiels du contrat.

B) La liberté de mener des négociations plurales.

Chacun est également libre de négocier avec plusieurs partenaires éventuels.

Ce n'est évidemment pas le cas lorsque les parties ont signé un contrat de négociation comportant une clause d'exclusivité.[2] C'est à dire, une clause qui consiste à interdire toute négociation parallèle dissimulée ou non, tant que la négociation principale n'est pas achevée. Dans ce cas, le partenaire manque à ses obligations contractuelles, et sa responsabilité peut être engagée.

S' il n'y a pas de contrat de négociation comportant une clause d'exclusivité, ce n'est qu' en présence d'autres éléments permettant de caractériser la faute, que cette manière de faire est répréhensible.

Par exemple, est une faute : le fait de conduire des pourparlers avec quelqu'un sur la base d'un prix exagéré, tout en en menant d'autres avec un tiers, à un prix inférieur.[3]

De même, lorsque des négociations engagées avec deux concurrents sont rompues avec l'un d'eux, après lui avoir demandé diverses études et adressé une lettre d'intention.[4]

 

II. La limite de la liberté de rompre les pourparlers

La bonne foi a aussi son importance lors des négociations contractuelles, il y a faute si une partie a mis fin brutalement aux pourparlers, alors qu'elle n'avait pas d'intention de négocier sérieusement le contrat.

La responsabilité délictuelle de la partie fautive peut alors être engagée en cas d'abus.

A) La rupture abusive des pourparlers.

1. Les cas extrêmes de rupture abusive.

Durant la période précontractuelle chacun est libre de mettre fin au contrat. Encore faut-il quitter les négociations de bonne foi.

La bonne foi est consacrée dans le Code civil à l'article 1134, pour l'exécution du contrat; cependant, elle peut aussi s'appliquer dès à la formation du contrat afin de contraindre les parties à négocier de bonne foi.

Il est donc nécessaire de concilier la liberté de choix dans la phase précontractuelle et la bonne foi.

a) La concurrence déloyale et l'obligation de ne pas exploiter les informations des pourparlers et l'obligation de discrétion.

Les négociations impliquent souvent que des informations confidentielles, ainsi que des connaissances soient échangées entre les parties.

Dans les cas extrêmes, la solution est évidente, par exemple, lorsqu'un partenaire commet une faute en utilisant abusivement des données techniques révélées lors de la négociation, il accomplit ainsi un acte de concurrence déloyale. Sa responsabilité civile délictuelle est alors engagée.[5]

Cette hypothèse pourrait se rencontrer en matière informatique, où les cocontractants sont parfois amenés à dévoiler leurs données techniques afin de convaincre un client potentiel. Si celui-ci dispose d'un service informatique, il pourrait être tenté de reprendre les données techniques qui auraient été fournies par un tiers lors de la négociation.

En l'absence de clause de confidentialité[6], la bonne foi impose au bénéficiaire de ces informations de ne pas les divulguer et de ne pas les réutiliser si le contrat n'est pas signé.[7]

Celui qui divulguerait ou utiliserait ainsi une information commettrait une faute délictuelle. Faute qui pourra éventuellement rentrer dans la catégorie de la concurrence déloyale ou dans les agissements parasitaires.

Cela fut jugé par exemple, dans le cas d'un modèle publicitaire qui fut refusé à l'issue des pourparlers et qui par la suite a été contrefait.[8]

Il existe une obligation implicite de discrétion et une obligation de ne pas exploiter ce qui a été dévoilé lors de la phase des pourparlers.

Même si les tribunaux ont consacré ces obligations implicites, il est fortement conseillé de conclure un contrat de confidentialité lorsque, durant les pourparlers, des connaissances vont être dévoilées.[9]

Cette clause a pour but de protéger le secret de certaines informations échangées entre les partenaires pendant la négociation, et qui peut être renforcée par une clause pénale. Il est d'ailleurs recommandé de stipuler qu'en cas d'échec de la négociation, l'obligation de confidentialité survivra au contrat de négociation pour une certaine durée, sans quoi, elle peut se révéler inutile.

b) L'accord sur les éléments essentiels

De même, la responsabilité contractuelle pourra être engagée pour refus d'exécution du contrat si le contrat est en réalité formé en raison de l'accord des parties sur des éléments essentiels.[10]

2. caractéristiques de l'abus.

L'abus est constitué lorsque l'auteur de la rupture est animé d'une intention de nuire.

Par exemple, tel est le cas de celui qui rompt des négociations alors qu'il n'avait manifestement pas l'intention de contracter et qui avait entrepris des négociation afin d'occasionner des dépenses à son partenaire ou d'utiliser les informations révélées lors de la négociation.

Cependant, aujourd'hui, la rupture de pourparlers est abusive dès lors que la rupture est réalisée de mauvaise foi même en l'absence d'intention de nuire. Celle-ci n'est plus nécessaire afin de caractériser l'abus.

Par exemple, tel est le cas de celui qui laisse croire que la conclusion d'un contrat était toujours possible alors que ce même contrat était déjà conclu avec un tiers.[11]

De même, lorsque l'auteur de la rupture a sciemment laissé penser à son partenaire que le contrat allait être conclu, le dissuadant ainsi de contracter avec un tiers.

La Cour de cassation a aussi retenu l'abus, en cas de rupture sans motif légitime accompli avec une légèreté blâmable, sans qu'il soit nécessaire de caractériser l'existence de mauvaise foi ou d'intention de nuire[12]

B) L'absence d'abus

A contrario, il n'y aura pas d'abus si la rupture est justifiée par des motifs légitimes tels que par exemple un désaccord sur les prix ou bien encore l'inaptitude du partenaire à répondre aux exigences techniques de la prestation ou de la fourniture de matériel.

De même, la rupture n'est pas fautive lorsque les parties ont des motifs légitimes.

Par l'exemple, lorsque les parties ne se sont jamais entendues sur les prix[13] ou lorsque la rupture est intervenue sans surprise, son auteur ayant toujours fait connaître à l’autre partie la condition à laquelle il subordonnait son accord.

De même, lorsque les négociations n'ont été ni longues, ni intenses et qu'il n'existe pas de relations d'affaires antérieures[14] ou encore, lorsque la rupture par une partie est intervenue à un moment où les parties en étaient encore à évaluer les risques et chances du contrat envisagé, empêchant ainsi les professionnels avertis de prétendre que les négociations étaient sur le point d’aboutir.

C) Le caractère brutal de la rupture.

Une rupture peut également être jugée fautive si elle présente un caractère brutal.

C'est d'ailleurs ce que dispose l'article L442-6 5° du Code de commerce:

« I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. »

Il faut dans ce cas, que les négociations soient particulièrement avancées. Ainsi, la Cour de Cassation a jugé qu'est fautif le comportement de celui qui rompt brutalement et sans motif légitime des pourparlers qui se sont déroulés pendant une longue période.[15]

L'espoir que le contrat allait être conclu n'a, en soit et à lui seul rien de fautif ,c'est la décision de rompre brutalement et sans motifs légitimes après une durée excessive qui rend la rupture abusive.

Il ne faut donc pas engager trop longtemps des pourparlers avec un prestataire ou un fournisseur de service informatique si l'on a pas l'intention de conclure le contrat. Il faut donc rapidement se faire une idée des prestations que l'on attend pour ne pas s'engager dans des négociations trop longues à moins de disposer de motifs sérieux à faire valoir en cas de rupture des négociations.

Ils est donc nécessaire pour le client, dans les contrats le plus complexes, de réaliser une étude préalable et d'établir un cahier des charges pour établir clairement ses besoins.[16]

D) L'appréciation de la faute

1. L'appréciation de la faute.

Plusieurs éléments sont pris en compte dans l'appréciation de la faute : l'existence de motifs légitimes, les frais engagés, l'importance du contrat, la présence de relations d'affaires antérieures entre les parties, l'état d'avancement des négociations.

La qualité de l'auteur ou de la victime entre également en ligne de compte. En effet, un professionnel sera plus facilement en faute parce qu'il inspire plus facilement confiance; de même il lui sera sûrement plus difficile de prétendre s'être fait manipulé par un profane.

Tous ces éléments sont pris en compte par la jurisprudence et appréciés au cas par cas en fonction des situations.

Ainsi, il a été jugé fautif, le fait de rompre les négociations, sans raisons sérieuses après quatre années de négociations d'un contrat important ponctuées d'études.[17]

De même, lorsque les pourparlers étaient dans un état d'avancement significatif[18] ou bien lorsque les parties avaient eu des relations d'affaires antérieures.

2. La faute du tiers.

L'auteur de la faute n'est pas forcément celui qui a pris la décision de mettre fin aux négociations.

En effet, la chambre commerciale dans un arrêt du 26 novembre 2003 affirme que « le simple fait de contracter avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, sauf s'il est dicté par l'intention de nuire ou s'accompagne de manœuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur. »[19]

Cependant la Cour de cassation semble difficilement retenir l'intention de nuire ou les manœuvres frauduleuses d'un tiers.

En l'espèce, le tiers garantissait contractuellement le négociateur de toute indemnité en cas d'une rupture des pourparlers qui serait considérée comme abusive et pourtant cette clause qui pouvait laisser paraître une certaine mauvaise foi de la part du tiers ne permet pas, selon la Cour, de caractériser une intention de nuire ou des manœuvres.

Par conséquent, le tiers reste très protégé puisque l'intention de nuire et les manœuvres ne sont pas habituellement nécessaires pour caractériser la faute dans la rupture des négociations. La Cour de Cassation a retenu l'abus en cas de rupture sans motif légitime sans qu'il soit nécessaire de caractériser l'existence de mauvaise foi ou d'intention de nuire[20]

Par conséquent, il est toujours possible de contracter avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers sauf si l'on est guidé par une intention de nuire ou en cas de manœuvres frauduleuses.[21]

Un prestataire informatique pourra donc engager des pourparlers avec un client potentiel sans risquer d'engager sa responsabilité même si un concurrent est déjà en phase de négociation avec celui-ci sauf si il est guidé par une intention de nuire.

E) Le dommage et les réparations

La Cour de cassation a jugé que « les circonstances constitutives d'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat. Le préjudice subi par la victime n'incluait que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains qu'elle pouvait espérer tirer de l'exploitation du fond de commerce ni même la perte de chance d'obtenir ces gains »[22]

La victime d'une rupture abusive sera seulement indemnisée à hauteur des frais occasionnés par la négociation. Les gains éventuels ne seront pas pris en compte dans le calcul des dommages et intérêts.

La victime de la rupture ne peut obtenir la conclusion forcée du contrat, sous couvert de réparation en nature, ni le gain qu'elle escomptait de la conclusion de celui ci.

Le négociateur victime d'une rupture fautive des pourparlers, ne peut pas obtenir réparation du préjudice résidant dans la perte d'une chance de tiré profit du contrat si il avait été conclu.[23]

Cependant, on peut penser que la jurisprudence pourrait admettre que la rupture fautive des pourparlers expose son auteur à l’indemnisation de la perte de chance de conclure un contrat équivalent avec un tiers.

Cette jurisprudence trouvera également à s'appliquer aux contrats informatiques, en cas de rupture abusives de pourparlers, les seuls frais qui donneront lieu à indemnisation seront ceux occasionnés par la négociation.

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[1] Com. 22 mai 1978, D.1978.

[2] CA Douai, 22 octobre 1998, Expertises 1999, 235.

[3] Civ 2 eme. 4 juin 1997, RTD civ.1997, 921

[4] CA Paris, 4 avril 1997

[5] Com 3 octobre 1978, D.1980. 55

[6] Aussi nommée NDA « non disclosure agreement » dans le cadre d'un accord de confidentialité

[7] UNIDROIT, Principes relatifs aux contrats du commerce international, art 2. 16; Principes de Droit européen du contrat, art 2. 302.

[8] CA Paris, 15 octobre 2000, PIBD 2000, 350

[9] M. Testu, « La confidentialité conventionnelle » Droit et patrimoine, mars 2002, p 81

 

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