ORDINATEUR ET SALARIE

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/ Novembre 2020 /

Aujourd’hui, l’ordinateur est l’outil de travail principal pour la plupart des salariés d’entreprise. Avec le développement des nouvelles technologies, mais aussi avec le développement des méthodes de travail basées sur ces outils (télétravail, systèmes de messageries, etc.), le législateur doit désormais se pencher, de plus en plus d’ailleurs, sur un encadrement juridique adapté à l’évolution croissante du lien entre salarié et ordinateur.

Ce cadre intéresse en effet les relations entre employeurs et salariés, et tout particulièrement les droits de surveillances des premiers à l’égard du salarié et de son ordinateur.


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La CNIL a eu l’occasion de publier deux rapports à ce sujet intitulés « cybersurveillance sur les lieux de travail », l’un datant de mars 2001 [1] et l’autre de février 2002 mis à jour en 2003 [2]. Elle se penchait alors sur l’incidence qu’a pu avoir l’arrivée d’internet dans les entreprises sur les rapports employeurs-employés, notamment dans le cadre de l’usage que peut faire le salarié avec son ordinateur, en tant qu’outil de travail.

De fait, plusieurs questions se posent : l’employeur a-t-il le droit de récupérer l’historique des sites consultés sur l’ordinateur de l’employé ? N’y a-t-il pas ici atteinte à la vie privée du salarié ?

Avant l’arrivée d’Internet et le développement des nouvelles technologies, la frontière entre pouvoir de contrôle de l’employeur et droit à la vie privée des salariés était beaucoup plus nette, et le droit s’était permis d’encadrer assez clairement cette limite.

Aujourd’hui, avec la cybersurveillance, cela devient de plus en plus difficile d’en tracer les contours : l’entreprise s’apparente à « un nouvel espace police, véritable ordre technologique qui n’a plus rien de commun avec l’ancienne subordination, car le salarié n’est plus sous les ordres de quelqu’un. Il est surveillé par la machine, à la limite par lui-même, par tous et par personne » [3].

Cependant, les nombreuses possibilités de traçage, de contrôle et de surveillance qu’offre l’outil informatique restent encore trop peu connues des salariés. Ce qui a tendance à fournir une « arme » supplémentaire à l’employeur face au salarié et son ordinateur.

L’arrivée des nouvelles technologies de l’information et de la communication bouleverse le nécessaire équilibre entre contrôle légitime exercé par l’employeur sur l’activité de ses salariés, et respect de la vie privée et du secret des correspondances des salariés.

Certes, l’employeur a légitimement un droit de « regard » sur l’activité de ses salariés, mais jusqu’où peut-il aller ? Cela peut-il se faire aux dépens du droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances des salariés ?

L’équilibre, au sujet du salarié et son ordinateur, est délicat à trouver.

 

I - Un nécessaire équilibre entre les droits de l’employeur et le respect à la vie privée des salariés

Il est donc nécessaire de construire un droit « informatique et libertés[4] » au sein de l’entreprise à l’instar de la loi CNIL de 1978. Le législateur et la jurisprudence ont donc dû s’adapter aux évolutions technologiques afin de prendre en compte cette nouvelle problématique.

A) La reconnaissance d’un droit à la vie privée informatique des salariés

Le droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances est un des principes à valeur constitutionnelle[5] figurant à l’article 9 du Code civil et protégé pénalement par la loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens.

Ils s’appliquent donc aussi bien dans la vie en société que dans la vie au sein de l’entreprise : en effet, le salarié est aussi individu au sein et en dehors de l’entreprise. Ses droits ne sauraient donc s’arrêter aux portes de l’entreprise.

« Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de sa vie privée ; celle-ci implique en particulier le secret de ses correspondances ; l’employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié ou reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur »[6].

Pour que la vie privée du salarié soit encore mieux respectée, un nouveau droit lui a été accordé récemment par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Il s’agit du droit à la déconnexion qui l’autorise à ne pas utiliser les outils numériques lorsqu’il n’est plus sur son lieu de travail.

Cette loi relève en effet que la frontière entre vie professionnelle et privée est de moins en moins limpide à cause de ces dispositifs connectés. Le temps de travail des salariés se prolonge ainsi avec ces nouvelles technologies. D’autant que ces dernières années leur utilisation s’est grandement développée.

Cette mesure permet donc d’assurer un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale. Cet équilibre est essentiel à la protection de la santé du salarié. Ce droit à la déconnexion s’applique à tous les salariés. Ce sont les entreprises qui doivent mettre en place des instruments servant à réguler l’utilisation de ces technologies.

La mise en œuvre de ce droit se fera par une négociation avec les partenaires sociaux. Les entreprises qui disposent d’un délégué syndical devront mener une négociation afin d’envisager les moyens permettant au salarié d’exercer son droit à la déconnexion. Même si aucun accord n’est trouvé ce droit devra quand même être appliqué dans l’entreprise par l’employeur. Il faudra pour cela rédiger une charte qui devra prévoir des actions de formation et de sensibilisation à l’usage des outils numériques. Cette mesure sera destinée aux salariés et au personnel d’encadrement et de direction. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Pour illustrer l’application de ce droit, il est désormais possible pour un salarié de ne pas répondre aux mails après ses heures de travail. Ce droit est consacré par les articles L3121-64, L3121-65 et L2242-17 du Code du travail.

Aux Etats-Unis, la sphère privée du salarié est presque inexistante : conformément à la procédure de e-discovery, tous les documents et fichiers du salarié sont librement accessibles par l’employeur car ils sont présumés être professionnels.

Cependant, aucun droit ne peut être absolu, et doit nécessairement être assorti de limites.

Quel usage à des fins privées d’outils mis à la disposition des salariés par leur employeur est-il admis ? Y a-t-il des limites au contrôle et à la surveillance que les employeurs peuvent exercer sur les salariés ? Un employeur peut-il librement rapporter une preuve relative à la vie privée d’un de ses salariés lors d’une procédure de licenciement ?

B) Les droits de l’employeur sur ses salariés

L’employeur, en ce qu’il dispose d’un pouvoir de contrôle sur l’activité de ses employés, l’a également sur l’outil de travail principal : l’ordinateur. Il peut donc en théorie, consulter l’historique des sites visités par ses salariés, intercepter les emails.

Bien que l’employeur soit tenu de respecter la vie privée du salarié, que faire quand plus de 50% du temps passé sur Internet l’est à des fins personnelles ?

Il est donc légitime qu’il s’assure du caractère non abusif de l’utilisation de l’outil de travail. Dans son rapport de 2002 modifié en 2003, la CNIL préconisait l’utilisation de dispositifs de filtrage de sites non autorisés comme des sites pornographiques, racistes, des sites de chat ou forum. Toutefois, la mise en place d’un tel dispositif nécessite une déclaration auprès de la CNIL.

C) Les devoirs de l’employeur vis-à-vis de ses salariés

Toutefois, l’employeur est tenu, à l’égard de ses salariés, d’un devoir de transparence et d’information préalable à toute installation d’un dispositif de surveillance ou de contrôle.

C’est l’apport de la jurisprudence à ce sujet qui va permettre de dessiner progressivement les contours de la sphère exclusivement privée des salariés au sein de l’entreprise.

Il en ressort que la jurisprudence fait une application stricte de ces principes, à savoir qu’aucun élément de preuve obtenu par l’employeur au moyen d’un procédé de surveillance ou de contrôle des salariés ne peut être admis comme preuve des faits reprochés, quelles qu’en soient la matérialité et la gravité dès lors qu’ils ne respectent pas les principes ci-dessus énoncés.

C’est ainsi qu’un enregistrement effectué par l’employeur au moyen d’une caméra dissimulée, et dont les salariés n’avaient pas été informés ne peut être admis comme élément de preuve[7].

De même, tout message électronique personnel émis ou reçu par le salarié sur son poste de travail dont l’employeur a pris connaissance à l’insu de celui-ci, même s’il révèle l’exercice d’une activité parallèle ou une utilisation de l’ordinateur à des fins personnelles ne peut être retenu à son encontre[8].

A contrario, lorsque les fichiers créés par le salarié sur son poste de travail ne sont pas clairement identifiés comme étant personnels, ils sont présumés avoir un caractère professionnel.

Dans un arrêt du 21 octobre 2009[9], la Cour de cassation a admis que l’employeur n’avait pas violé le droit au respect de son salarié en procédant à l’ouverture et l’enregistrement de fichiers non identifiés comme personnels sur le poste de travail de ce dernier. L’employeur était donc en droit de les ouvrir en dehors de la présence du salarié.

Par ailleurs, tout traitement, collecte et conservation des données personnelles des salariés, tel que l’enregistrement systématique sur un serveur de tous les sites consultés, nécessite de la part de l’employeur une déclaration à la CNIL.

Qu’en est-il de la liberté d’expression et des libertés individuelles ? Est-elle la même dans l’entreprise et en dehors de celle-ci ? Un salarié a-t-il le droit de publier sur Internet des propos diffamatoires à l’encontre de son employeur ?

D) Les devoirs du salarié hors de l’entreprise

Le principe est que la liberté d’expression du salarié en dehors de l’entreprise ne doit pas nuire à celle-ci. Cela vise ainsi à protéger la réputation de l’entreprise contre toute atteinte de la part de ses salariés.

Avec l’arrivée d’Internet, les atteintes à la réputation d’une entreprise par le fait de ses salariés sont devenues courantes. De plus, elles prennent beaucoup plus d’ampleur grâce à la vitesse de propagation que cette technologie permet.

Il en va donc du bon fonctionnement de l’entreprise qu’un équilibre soit trouvé entre le « droit à une bonne e-réputation » de celle-ci et le droit d’expression du salarié.

 

 

II. La licéité de la collecte de la preuve par l’employeur

La preuve a-t-elle été rapportée légalement ? Quelles sont les conditions à suivre pour procéder à la collecte de données légales sur les salariés ?

Que dit le Code du travail ?

Il énonce deux principes que l’employeur se doit de respecter. Tout moyen de preuve non conforme à ces principes ne peut en tout état de cause être retenu par la juridiction prud’homale. Ces principes sont rappelés dans les rapports de la CNIL.

§         Le principe d’information préalable des salariés énoncé à l’article L 1221-9 du Code « aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié et du candidat à un emploi ».

§         Le principe de proportionnalité énoncé à l’article L 1121-1 du code : « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restriction qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Ce principe est destiné à mettre en balance le but recherché par l’employeur avec l’atteinte aux libertés individuelles du salarié.

A) Le principe d’information préalable : condition n°1

Les employés doivent donc toujours être individuellement informés de la mise en œuvre de dispositifs permettant de contrôler leur activité au sein de l’entreprise.

C’est donc le fait, pour l’employeur d’installer de tels dispositifs sans en avertir les salariés qui est sanctionné. L’utilisation de chartes informatiques peut être un moyen judicieux d’assurer l’information de tous les salariés.

En cas de défaut de transparence, la responsabilité de l’employeur peut être engagée.

B) Le principe de proportionnalité : condition n°2

Néanmoins, l’employeur ne peut procéder à un contrôle que s’il établit un comportement suspect, tel qu’un temps de connexion excessif, du salarié.

C) La proportionnalité de la sanction à la faute

L’employeur a la possibilité de licencier un salarié en raison des fautes commises par celui-ci. En revanche, la faute doit être suffisamment grave pour justifier un licenciement. Autrement dit, le juge va regarder si la sanction prononcée est proportionnée à la faute commise.


 

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Source
[1] Téléchargement du 22e rapport d’activité de la CNIL de 2001 sur le site de la Documentation française

[3] Pr.G. LYON-CAEN dans son rapport pour le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle.- « Les libertés publiques et l’emploi ».- la Documentation française - 1991

[4] Voir l’article intitulé « Loi « Informatique et libertés » : les entreprises sont-elles à la hauteur ? » du 04/07/08 (sans auteur) publié sur le site Legalbiznext : http://www.legalbiznext.com/droit/Loi-Informatique-et-Libertes-les

[5] Avec sa décision fondatrice « Liberté d’association » du 16 juillet 1971, le Conseil Constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 qui renvoie au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Le droit au respect de la vie privée, découlant de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, est un principe à valeur constitutionnelle.

[6] Soc, 2 oct. 2001, Société Nikon France c/ Monsieur O, n°99-42942, Bull. 2001 V n°291, p.233.

[7] Soc, 20 nov. 1991, n°88-43120, Bull civ, V, no 519, p.323.

[8] Soc, 2 oct. 2001, n°99-42942, Bull civ, V, no 291, p. 233.

[9] Soc., 21 oct 2009, n°07-43877;

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