PROCEDURE ET DROIT DE DIVULGATION APRES UN DECES
/ FĂ©vrier 2023 /
L’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre : il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci (Code de la propriété intellectuelle article L. 121-2). Le code de la propriété intellectuelle précise également (Code de la propriété intellectuelle article L. 111-2) que l’œuvre est réputée créée par l’artiste sous le nom duquel elle a été divulguée.
L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention (Code de procédure civile article 31).
L’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action (1).
La divulgation d’œuvres contre la volonté de l’artiste peut constituer le délit de contrefaçon : ainsi en est-il de la vente d’œuvres abandonnées par un artiste et présentées à la vente malgré son opposition (2).
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A l’inverse, il a pu être jugé que le déplacement d’une sculpture monumentale ne porte pas nécessairement atteinte au droit de divulgation de son auteur (T. com., Lyon, 28 avr. 1997, n° 97 F 00554).
De même, la copie d’une œuvre tombée dans le domaine public, y compris de la signature de l’auteur sur la copie réalisée est licite dès lors « qu’aucune confusion n’est à craindre entre l’original et la copie » (3).
L’exercice du droit au respect du nom et de l’œuvre, autre composante du droit moral, permet aux ayants droit d’agir pour les œuvres déjà divulguées (ou présentées comme telles), en particulier celles qui circulent sur le marché. Dans ce cas, c’est en vertu du droit au respect que des actions sont entreprises, par exemple pour contester l’authenticité des pièces présentées.
Les droits moraux peuvent avoir un effet direct sur l’authenticité des œuvres, et attribuent donc une « compétence de droit » à l’artiste, mais aussi à ses ayants droit.
Se pose alors la question de savoir qui peut agir ?
I) Qu’est-ce que l’intérêt à agir ?
L’existence de la créance invoquée par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de son action, mais de son succès (4 et 5).
Le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir (Code de procédure civile, article 125, al. 2). S’agissant d’une simple faculté, le juge n’est pas tenu de relever d’office l’irrecevabilité, pour ce motif, d’un acte de procédure (6).
En assurance, toute personne qui a un intérêt à agir, direct ou indirect, à la conservation d’une chose peut la faire assurer (Code des assurances article L. 121-6), ce qui lui donne également intérêt à agir. D’une manière générale, les assurés, leurs héritiers en cas de décès (7) et les bénéficiaires du contrat d’assurance ont un intérêt à agir pour faire reconnaître leur droit à l’indemnité lorsqu’il est contesté par l’assureur.
Un assuré qui a souscrit un produit « vie » justifie d’un intérêt à agir à l’encontre d’un assureur IARD, dont la responsabilité est susceptible d’être recherchée en tant que mandant apparent de l’intermédiaire d’assurance (8).
Par ailleurs, l’action en restitution de sommes versées en vue de la souscription d’une assurance vie n’est pas réservée au seul propriétaire des fonds remis à l’intermédiaire d’assurance (9).
L’intérêt à agir s’apprécie au moment de l’engagement de l’action (10), de sorte qu’il ne peut pas être remis en cause par l’effet de circonstances postérieures (11).
A ainsi intérêt à agir le propriétaire du bien assuré au jour de l’assignation, et non le propriétaire du bien assuré au jour du sinistre (Cour de Cassation, chambre commerciale du 6 janvier 2015, n° 12-26.545).
La Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 25 janvier 2023, adopte également cette position en rappelant que l’action est recevable dans la mesure où l'intérêt au succès d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice et ne peut dépendre de la survenance de circonstances postérieures qui l'auraient rendue sans objetEn cas d’appel, l’intérêt à agir s’apprécie au jour de la déclaration d’appel et non au regard des prétentions contenues dans les conclusions (12).
II)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Action en justice et droit de divulgation post-mortem
Cour de cassation, chambre civile 1re du 27 novembre 2019, F-P+B+I, n° 18-21.532
La Cour de cassation rappelle, au regard de l’article 31 du code de procédure civile, que l’intérêt à agir sur le fondement du droit de divulgation post-mortem de l’article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.
En l’espèce, une association pour la défense de l’artiste Hélène Guinepied, pionnière méconnue de la peinture du XXe siècle et sa présidente ont estimé que la détention frauduleuse d’œuvres de la peintre par une dame les empêchait d’organiser des expositions dont il résultait un trouble manifestement illicite.
Alors que les droits patrimoniaux de l’artiste étaient échus et que les parties n’étaient pas titulaires du droit de divulgation, les juges d’appel en ont déduit que les demanderesses n’avaient pas qualité pour agir, car elles n’établissaient pas la volonté expresse de l’artiste de transmettre ses œuvres au public (Paris, 28 juin 2018, n° 17/17 365, inédit).
Or, le juge ne doit pas débuter la discussion sur le bien-fondé juridique de la demande, mais seulement énoncer si l’intérêt à agir peut conduire ou non à une issue juridique. C’est pourquoi la Cour de cassation a logiquement censuré les juges d’appels, car « l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action » (13).
La solution n’est certes pas nouvelle, mais, appliquée au droit d’auteur, elle opère une clarification nécessaire. En brisant les valses-hésitations jurisprudentielles au profit de la conception libérale de l’article L. 121-3 du Code de la propriété intellectuelle, le présent arrêt favorise une plus grande effectivité de la défense du droit de divulgation post-mortem, sans préjuger de l’issue qui lui sera donnée. En revanche, il est possible de se demander si, en ne visant que le seul droit de divulgation , la solution doit être étendue aux autres droits moraux ?
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 31 octobre 2019, rappelle qu’en vertu de l’article L. 121-3 du CPI, le tribunal judiciaire peut ordonner toute mesure appropriée en cas d'abus notoire dans l'usage ou le non-usage du droit de divulgation de la part des représentants de l'auteur décédé visés à l'article L. 121-2. C’est notamment le ministre chargé de la culture qui peut être saisi par le tribunal.A l’opposé de la jurisprudence majoritaire, évoquée par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 novembre 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence restreint les autres personnes habilitées à agir. La cour considère que les articles précités ne dérogent pas à l’article 31 du Code de procédure civile, néanmoins elle estime que le demandeur n’a pas d’intérêt personnel à agir contre l’une des deux associations que l’artiste a choisies pour défendre son droit moral. Toutefois, la solution de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence paraît très sévère car l’auteur a désigné le demandeur en qualité d’exécuteur testamentaire et l’article L. 121-2, alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que“ (...) le droit de divulgation de ses oeuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l'auteur.”
Pour lire une version plus courte de cet article sur le droit de divulgation après un décès, cliquez
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