LA RESPONSABILITÉ DE L’EMPLOYEUR EN MATIÈRE DE BURN-OUT

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/ Avril 2021 /

« Le burn-out est le résultat d’une certaine organisation du travail » : beaucoup s’accordent à le dire. Si des critères plus personnels entrent sans doute en ligne de compte, les entreprises sont en grande partie responsables de l’épuisement professionnel de leurs salariés. Pourtant, le burn-out n’est toujours pas inscrit dans les tableaux des maladies professionnelles. Quid de la responsabilité des employeurs en cas de burn-out ?

la responsabilité des employeurs en cas de burn-out ?

Christina Maslach et Michael Leiter, deux éminents psychologues américains, se sont penchés sur le syndrome du burn-out, et ont tenté d’en apporter une définition précise. C’est de fait qu’en 1997, ils décrivent le phénomène comme « l’érosion des valeurs, de la dignité, de l’esprit et de la volonté — une érosion de l’âme humaine ».

Toujours selon Maslach, il est important de rappeler que le burn-out n’est pas une nouvelle catégorie de maladie psychiatrique, mais « une spirale dangereuse susceptible de conduire au basculement dans la maladie — dépression ou maladie somatique — et à la désinsertion sur le plan professionnel, social et familial ».


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Dix ans plus tôt, les psychologues Pines et Aronson caractérisaient le burn-out comme « un état d’épuisement physique, émotionnel et mental lié à une longue exposition à des situations exigeant une implication émotionnelle importante ». Le burn-out, dès lors qu’il implique un tel surmenage, pose la question de la responsabilité des l’employeur en la matière.

En effet, en France des millions de Français sont exposés à un risque élevé de « burn-out » ou syndrome d’épuisement professionnel. Ce syndrome frappe sans distinction, cadres et simples employés, salariés du public comme du privé. Il est la conséquence d’un trop-plein de travail, d’un trop-plein de pression qui mène des hommes et des femmes à l’effondrement, ce qui pose la question de la responsabilité de l’employeur en matière de burn-out.

Cette notion est pour la première fois employée en 1975 par le psychiatre américain Freudenberg, notamment pour décrire cette idée de l’épuisement au travail.

Partant, si le droit du travail ne connaît pas la notion d’épuisement professionnel, les tribunaux eux, ont fait évoluer la jurisprudence sur cette question autour de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Peut-on engager la responsabilité de son employeur en cas de « burn-out » ?

 

I. Notion de « burn-out »

A) Définition

Le "Burn-out" caractérise le syndrome d’épuisement professionnel : un état complet d’épuisement physique et mental, le stade ultime de la dépression.

Le burn-out (ou épuisement professionnel) est la phase ultime du stress, il désigne l’angoisse permanente causée par l’accumulation du stress.

Il est défini comme « un état d’épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel. »

Ainsi, le burn-out est susceptible de toucher les individus exerçant une profession requérant un fort engagement au travail. Il se produit alors une remise en cause de leur engagement personnel à la suite d’un défaut d’équilibre entre les contraintes de travail que leur impose leur environnement et la perception qu’ils ont de leurs propres ressources pour y faire face.

Pour autant, aucune définition clinique ne permet, à l’heure actuelle, de décrire cette affection et de promouvoir de ce fait sa reconnaissance en tant que maladie professionnelle au titre de l’article L461-1 du Code de la sécurité sociale, et ce, alors même que les risques psycho-sociaux prennent une place de plus en plus prépondérante dans notre société aujourd’hui.

Principe rappelé dans un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 14 janvier 2021 qui dispose que « le burn-out n’étant pas considéré comme une maladie professionnelle, ni une lésion, mais un état psychologique ». C’est d’ailleurs à ce titre que le 17 février 2016, Benoît Hamon présente une proposition de loi à l’Assemblée visant à reconnaître le burn-out comme une maladie causée par le travail. Les entreprises pourraient alors voir leur responsabilité engagée.

En effet, dans un arrêt du 11 juin 2020, la Cour d’appel de Nancy reconnaît qu’une lésion psychique et non corporelle peut être qualifiée en tant qu’accident de service. Cette qualification repose sur deux conditions, il faut que la lésion soit survenue « sur le lieu et dans le temps du travail », l’a été « à une date certaine ».

D’autant plus qu’en l’espèce, le certificat médical d’arrêt de travail faisait état d’un « burn-out professionnel ». Toutefois cet arrêt conclu sur l’absence de faute de l’agent, victime d’un burn-out mais n’engage pas la responsabilité de son employeur, puisque l’arrêt précise que les objectifs inatteignables que s’était fixé l’agent, n’avaient pas été imposés par sa hiérarchie.

B) La victime

La victime de ce symptôme s’épuise mentalement et physiquement en essayant d’atteindre des objectifs irréalisables. Elle devient à bout nerveusement, perd pied et peut aller jusqu’à se convaincre de son inaptitude à répondre efficacement aux attentes de son employeur. Le "burn-out" est très souvent synonyme d’arrêt maladie de longue durée et d’impossibilité de reprendre le travail.

Le phénomène "burn-out" peut également trouver son origine dans des faits de harcèlement insidieux de la part d’un supérieur hiérarchique comme l'a reconnu la Cour de cassation sur le fondement de l’article L1152 du Code du travail (Cass. Soc. 15 novembre 2006, n° 05-41.489).

Si le droit du travail ne connaît pas la notion d’épuisement au travail et connaît encore trop peu d’éléments de prévention de ce symptôme, les tribunaux ont fait évoluer la jurisprudence sur cette question autour de l’obligation de sécurité en particulier en matière de prévention des risques professionnels dits psychosociaux.

Lors d’un arrêt du 5 février 2020, la Cour de cassation considère que le licenciement pour insuffisance professionnelle, d’un salarié ayant récemment notifié son burn-out, constitue une discrimination en raison de son état de santé. Ainsi, la Cour retient que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

C) Protection de la victime

Aux fins d'endiguer ce phénomène, la jurisprudence prévoit une protection du salarié victime de "burn-out" fondée principalement sur l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur.

De plus en plus attentive au respect de cette obligation de sécurité, la Cour de cassation protège désormais le salarié en arrêt maladie prolongé en raison d'un manquement de l'employeur lié à la surcharge de travail, contre le licenciement.

Dans ce contexte, le salarié ne saurait être licencié pour absence causant une désorganisation de l'entreprise.

Par ailleurs, le salarié peut faire reconnaître la responsabilité de l’employeur et demander devant le Conseil de prud’hommes la rupture judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur dans le cadre d’une action en résiliation judiciaire.

Pour autant, le burn-out n’est pas reconnu comme une maladie professionnelle et ne figure pas dans le tableau les énumérant. Une maladie peut être reconnue comme professionnelle selon deux procédures distinctes, selon qu’elle est ou non désignée dans un tableau. Ainsi, l’article L.461-1 du Code de la sécurité Sociale dispose que la maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau est présumée professionnelle sans que le salarié n’ait à prouver le lien entre la maladie dont il souffre et le travail.


II. Burn-out et obligation de sécurité

A) Mesures nécessaires


En vertu de l’article L.4121 du Code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il s’agit d’une obligation de sécurité, qui est une obligation de résultat .

En conséquence, la loi (article L 4121-2 du Code du travail) prévoit qu’il doit mettre en œuvre des mesures préventives telles que : éviter les risques et les combattre à la source, adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne les méthodes de travail, tenir compte de l’évolution de la technique…

B) Mise en place d'une organisation

Il doit mettre en place une organisation et des moyens adaptés pour éviter les situations de « burn-out ».

En cas de manquement à cette obligation, on parlera de faute inexcusable de l’employeur. Ce manquement prend le caractère de faute inexcusable dès que l’employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger encouru par le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger.

En 2013, elle estime cependant que toute maladie professionnelle ou accident du travail ne résulte pas systématiquement d’une négligence de l’employeur, ou d’un manquement à son obligation de sécurité de résultat en vertu d'un contrat de travail.

Depuis deux arrêts de la Cour de cassation de 2002, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat. En conséquence, tout accident du travail ou maladie professionnelle peut être considéré comme un manquement à cette obligation.

S’il est reconnu responsable de la faute inexcusable, il sera sanctionné pour manquement à son obligation de sécurité envers les salariés et devra assumer les conséquences financières (majoration de la rente ou du capital, remboursement à la CPAM des préjudices personnels en une seule fois).

Dans un arrêt du 13 juin 2019, la Cour de cassation a affirmé cette position dans le domaine. En effet, la Cour dispose que « les obligations des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé morale au travail n’affectent pas le principe de responsabilité de l’employeur ».

C) Moyens d'action de la victime

La victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut engager des poursuites et réclamer réparation ; si l’employeur est reconnu responsable, le salarié victime pourra bénéficier de la majoration de la rente ou du capital attribué au titre de ses préjudices professionnel et personnel.

Il faut noter que depuis 2013, la faute inexcusable de l’employeur n’est plus reconnue « automatiquement » en cas de maladie professionnelle. La Cour de cassation estime que toute maladie professionnelle ou accident du travail ne résulte pas systématiquement d’une négligence de l’employeur, ou d’un manquement à son obligation de sécurité de résultat en vertu du contrat de travail. Il revient donc au salarié victime d’établir qu’il y a faute inexcusable de l’employeur. Il devra prouver que l’employeur avait où aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et que l’employeur n’a pris aucune mesure de prévention ou de protection pour le préserver de ce danger.


III. Vers une reconnaissance en maladie professionnelle

A) Faute inexcusable

Depuis 2012, la Cour de cassation admet que la faute inexcusable de l’employeur peut être invoquée si l’accident du travail est dû à un stress subi résultant d’une politique de surcharge de la part de l’employeur.

Il a été jugé à plusieurs reprises que « des méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral, dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

En mai dernier, la cour d’appel de Versailles a reconnu le préjudice subi par des salariés en situation de « burnout » suite à un stress important au travail et a condamné les employeurs à leur verser 15.000 € en réparation de leur préjudice moral (décisions des 9 et 23 mai 2012).

Cette solution a encore été retenue récemment, dans un arrêt du 8 janvier 2021, par la Cour d’appel de Paris, où elle retient la lésion pour une victime d’une altération brutale de son état psychique, présentant un « burn-out aigu, survenu aux temps et lieu de travail, faisant immédiatement suite à un entretien de nature disciplinaire auquel il avait été convoqué par son employeur ».

B) Notion de stress

De même, en 2013, la Cour de cassation censure la Cour d’appel pour ne pas avoir recherché si, comme il était soutenu par la salariée, elle n’avait pas été exposée à un stress permanent et prolongé à raison de l’existence d’une situation de surcharge de travail conduisant à un épuisement professionnel de nature à entraîner une dégradation de son état de santé susceptible de caractériser un lien entre la maladie de la salariée et un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (Cass. soc 13 mars 2013 n° 11-22082)

L’employeur manque à son obligation de sécurité pour avoir, sinon fait en sorte, permis, qu’un salarié soit en arrêt maladie, victime d’un burn-out, en raison d’une surcharge de travail conduisant à son épuisement et entraînant une dégradation de son état de santé. Il appartient à l’employeur de veiller à ce qu’une telle situation ne se produise pas dans l’entreprise, quand bien même le salarié n’aurait pas attiré spécifiquement son attention à ce sujet.

La reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle n’est pas pour autant systématique pour la jurisprudence dans la mesure où elle n’est pas inscrite au tableau des maladies professionnelles. Si la victime d’une maladie non désignée dans le tableau des maladies professionnelles peut également faire reconnaître sa pathologie comme professionnelle, cette reconnaissance ne pourra s’effectuer que via le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles faisant intervenir les comités régionaux.

C) Loi Rebsamen

Cependant, la loi relative au dialogue social et à l’emploi, dite « loi Rebsamen », promulguée le 17 août 2015 constitue une étape supplémentaire vers la reconnaissance du burn-out en tant que maladie professionnelle. En effet, la loi Rebsamen complète l’article L.461-1 du Code de la sécurité Sociale et dispose que « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle ». Ces maladies n’étant pas désignées dans un tableau de maladies professionnelles, elles suivront la procédure de reconnaissance hors tableau.

Ce nouvel alinéa visant notamment le burn-out ou épuisement professionnel, un décret précisant les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers devrait semble-t-il prévoir des dispositions particulières de reconnaissance et exclure à ce titre l’exigence de décès ou d’incapacité permanente

Les pathologies issues d'un burn-out au travail sont aujourd'hui gérées par la caisse générale de l'assurance-maladie. Si le burn-out était reconnu comme une maladie professionnelle, il serait pris en charge par la branche « accidents du travail-maladie professionnelle », financée à 97 % par les cotisations des employeurs.

D) Projet de loi

La reconnaissance du burn-out en tant que maladie professionnelle vise à garantir des droits aux salariés. Une fois reconnu le caractère professionnel de la maladie, les soins médicaux seront couverts et une indemnité journalière permettra de compenser la perte de revenu entraînée par l’arrêt de travail. Le salarié est alors protégé, son contrat de travail est suspendu et il ne peut être licencié qu’en cas de faute grave. C’est dans cette optique qu'a été voté  une proposition de loi visant à faire reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle.

Cette proposition de loi a été réitérée en 2018, pour faire apparaître le burn-out à la liste des maladies professionnelles.

Pour le moment, ces propositions de lois ont été rejetées.

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Sources :
http://www.juritravail.com/Actualite/maladie-professionnelle/Id/219491
http://www.jlo-conseil.com/de-nouvelle-disposition-de-reconnaissance-des-pathologies-psychiques-comme-maladie-professionnelle
http://www.francmuller-avocat.com/responsabilite-employeur-burn-out-salarie/
http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion3506.asp#P21_2165
http://www.juritravail.com/Actualite/maladie-professionnelle/Id/140561
Cour administrative d’appel de Nancy 11 juin 2020, n° 18NC02097
https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURADMINISTRATIVEDAPPELDENANCY-20200611-18NC02097
Cour d’appel de Versailles, 14 janvier 2021 / n° 20/01869
Soc. 5 février 2020, n° 18-22399
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041585929
Cass.soc., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-11115
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038674797/
Cour d’appel de Paris, 8 janvier 2021 / n° 18/04145

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