VIE PRIVEE : AFFAIRE BENJAMIN GRIVEAUX

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/ Mars 2020 /

Agnès Buzyn a quitté le ministère des Solidarités et de la Santé, remplacée par Olivier Véran.Elle a annoncé le 16 février sa candidature à la mairie de Paris, où lui incombe la mission de porter les couleurs de LREM pour remplacer en urgence Benjamin Griveaux (qui a renoncé après la diffusion de vidéos sexuelles), quittant ainsi le ministère des Solidarités et de la Santé.

Sur proposition du Premier ministre et au terme d’un week-end d’intenses tractations, Emmanuel Macron a nommé le député et médecin Olivier Véran en remplacement.

Cette affaire a réveillé une nouvelle fois les questions sur la vie privée. On se demande en effet où commence notre vie privée et où se termine-t-elle.

Mais avant tout développement, il y a lieu de prime abord de revenir sur la notion même de la vie privée.

Qu’est-ce que la vie privée ?

La vie privée est la sphère d’intimité de la personne. Elle se définit par opposition à la vie publique. Cette sphère a vocation à rester à l’abri des regards d’autrui. Le droit au respect de la vie privée est protégé au titre des droits de la personnalité.

Selon l’article 9 du Code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.

Notre analyse en l’espèce sera sur le volet de la protection pénale de la vie privée. Ainsi, trois articles du Code pénal serviront de base tout au long de notre développement.


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L’article fondateur de l’atteinte à l’intimité de la vie privée en droit pénal est l’article 226-1 du Code pénal (1) précise qui énonce qu’est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui : en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentielles ; en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.

En outre l’article 226-2 du Code pénal (2) indique qu’est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1.

Par ailleurs, l’article 226-2-1 du Code pénal instauré par la loi no 2016-1321 du 7 octobre 2016 (3) procède de la constatation qu’internet a favorisé une pratique d’une rare inélégance, consistant à mettre en ligne des photographies d’une personne dans son intimité sexuelle, sans qu’elle ait consenti à cette diffusion.

 

I) Protection pénale de la vie privée

A) Protection de la parole et de l’image

L’atteinte à la vie privée est une forme d’atteinte à la personnalité. L’article 226-1 du Code pénal punit le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui : soit en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentielles, soit en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

L’incrimination suppose une atteinte à l’intimité de la vie privée, mais cette notion n’a pas été définie par la loi. La doctrine et la jurisprudence considèrent qu’elle recouvre tous les éléments de la vie privée d’une personne que cette dernière considère comme très importants et qu’elle préserve des atteintes d’autrui en les rendant inaccessibles. Cette notion ne se limite pas à la vie sentimentale et conjugale et inclut aussi la vie familiale. L’infraction suppose aussi que la personne puisse être identifiée, ce que rappellent régulièrement les juges (4).

Notons que l’article 2 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite LOPPSI II consacre une nouvelle infraction pénale d’usurpation d’identité numérique, codifiée à l’article 226-4-1 du Code pénal. Est visé : « Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ».

Une telle atteinte est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Les mêmes peines s’appliquent lorsque l’infraction est commise sur un réseau de communication au public en ligne. On peut considérer qu’une telle usurpation d’identité numérique porte atteinte à la vie privée d’autrui, ce qu’a admis le Tribunal de grande instance de Paris dans une affaire de faux profil Facebook sur le fondement de l’article 9 du Code civil (TGI Paris, 17e ch. civ., 24 nov. 2010).

 

B) Captation, enregistrement ou transmission des paroles privées sans consentement

Pour que l’infraction soit constituée selon l’article 226-1, 1° du Code pénal, il faut qu’il y ait une atteinte à la vie privée, par le fait de captage, enregistrement ou transmission, au moyen d’un procédé quelconque, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, et non pas seulement dans un lieu privé. La constitution du délit suppose, en outre, non seulement l’enregistrement au moyen d’un appareil électronique des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel par une personne sans le consentement de cette dernière, mais également que les propos en cause concerne l’intimité de la vie privée de celle-ci.

En effet, dans l’affaire Bettencourt, la cour d’appel de Paris a confirmé que ces dispositions de nature pénale doivent recevoir une interprétation stricte : l’article 226-2 du Code pénal n’englobe pas dans sa prévention tout enregistrement de propos effectué sans le consentement de l’auteur qui les a tenus, mais uniquement ceux qui portent « atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui », comme l’énonce en ouverture l’article 226-1 (CA Paris, 1er ch., 23 juill. 2010, n° 10/14 028  : JurisData n° 2010-014327).

Dès lors, le seul fait que les propos diffusés aient été enregistrés sans le consentement de leurs auteurs, n’est donc pas en lui-même suffisant pour constituer l’infraction de l’article 226-2 et, partant, pour qualifier de manifestement illicite le trouble causé par leur diffusion. Il a ainsi été jugé que les informations ainsi révélées qui mettent en cause le principal actionnaire de l’un des premiers groupes industriels français, et dont l’activité et les libéralités font l’objet de très nombreux commentaires publics, relèvent de la légitime information du public.

Toutefois, la Cour de cassation affirma ensuite que « constitue une atteinte à l’intimité de la vie privée, que ne légitime pas l’information du public, la captation, l’enregistrement ou la transmission sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel » (5).

Dans un arrêt du 5 février 2014, la Cour de cassation a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une QPC portant sur les articles 226-1 et 226-2 du Code pénal et a précisé que « les articles 226-1 et 226-2 du Code pénal, dispositions de droit commun et non de droit de la presse, loin de présenter une portée générale et absolue (…) régissent seulement la captation et la diffusion, par des particuliers et à l’insu de leur auteur, de propos relatifs à sa vie privée, et excluent de leur champ d’application toutes paroles étrangères à cet objet, fussent-elles tenues à titre privé et dans un lieu privé, à moins que leur interception clandestine, par leur conception, leur objet et leur durée, ait nécessairement conduit celui qui l’a mise en place à pénétrer délibérément dans la vie privée de la personne concernée » (6).

 

C) Fixation, enregistrement ou transmission de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé sans consentement

L’article 226-1, 2° du Code pénal vise le fait de fixer, enregistrer ou transmettre, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. Est ainsi protégé le droit à l’image, par l’interdiction de fixer les traits d’une personne se trouvant dans un lieu privé, au moyen d’un appareil quelconque, sauf en cas d’autorisation. L’utilisation d’un « procédé » est nécessaire, ce qui suppose l’usage d’un appareil pour fixer l’image. L’image doit être prise dans un lieu privé, ce qui fait naître des difficultés d’interprétation.

Le lieu privé se définit comme n’étant pas ouvert à tous, mais à personne, sauf autorisation de celui qui occupe ce lieu, de manière permanente ou non. Par opposition, le lieu public est accessible à tous, sans autorisation spéciale. Par exemple, à la suite de la publication de photographies prises à l’insu des mariés pendant la cérémonie de leur mariage dans une synagogue de Paris, la chambre criminelle a estimé que la synagogue est un lieu public, peu important que l’une des entrées ait été contrôlée pendant la cérémonie (7). Enfin, il est nécessaire qu’il y ait une atteinte à la vie privée.

Rappelons par ailleurs que l’enregistrement et la diffusion d’images de violence sont sanctionnés en tant que tels depuis la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 qui réprime le « happy slapping », indépendamment de toute atteinte à la vie privée. Cette loi a introduit un article 222-33-3 dans le Code pénal qui sanctionne « le fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions » (Code pénal, art. 222-33-3, al. 1er).

Également, l’alinéa 2 punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende « le fait de diffuser l’enregistrement de telles images ». Toutefois, ce texte ne s’applique pas « lorsque l’enregistrement ou la diffusion résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice ». Cette diffusion a souvent lieu sur l’internet. La cour d’appel de Paris a précisé que ne pouvait « se voir reprocher cette infraction, le responsable d’un site qui permet, par un lien, le renvoi vers la vidéo accessible sur divers sites » (CA Paris, 9 déc. 2009, n° 09/05089).

 

II) L’application de l’article 226-2-1 du Code pénal à l’affaire Benjamin GRIVEAUX

A) Les faits de l’affaire GRIVEAUX relevant de l’article 226-2-1 du Code pénal

L’infraction relevant de l’affaire Benjamin GRIVEAUX porte sur des images et vidéos présentant un caractère sexuel prises dans un lieu privé.

La diffusion de vidéos intimes a poussé Benjamin Griveaux à renoncer à briguer la mairie de Paris vendredi 14 février 2020.

Il a annoncé qu’il se retirait de la course à la mairie de Paris. Le renoncement de l’ex-candidat LREM est la conséquence de la diffusion sur internet de vidéos intimes.

A l’origine, les vidéos adressées à une femme d’un homme se masturbant - dont on ne voit pas le visage, mais attribuées à Benjamin Griveaux ont été mises en ligne mercredi soir sur un site créé ad hoc et devenu depuis inaccessible.

Partagées au départ par une poignée de politiques dans des messages privés, elles ont ensuite été relayées sur les réseaux sociaux, notamment par le député ex-LREM Joachim Son-Forget. Benjamin Griveaux a depuis porté plainte contre X et le parquet de Paris a ouvert une enquête.

En 2016, la loi pour la République numérique a renforcé la répression des faits de diffusion non désirée d’images ou de vidéos à caractère sexuel, et supprime le consentement présumé de la victime. Cette loi pour la République a instauré l’article 226-2-1 du Code pénal (L. no 2016-1321 du 7 oct. 2016, art. 67) qui prévoit que lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende.

La lettre de l’article poursuit en expliquant qu’est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1.

En outre, le délit d’exploitation de l’espionnage audiovisuel de la vie privée prévu à l’article 226-2 du Code pénal est une infraction de conséquence portant sur un enregistrement ou document obtenu en violation de l’article 226-1 du Code pénal et interdisant sa conservation, sa divulgation et son utilisation.

Ainsi le fait d’avoir filmé ou pris des photos d’une personne à son insu dans le vestiaire d’une piscine a été considéré comme une tentative de porter une telle atteinte et condamné à une peine d’emprisonnement de 3 mois avec sursis (8).

 

B) Sanctions

La loi pour la République numérique renforce la répression des faits de diffusion non désirée d’images ou de vidéos à caractère sexuel, et supprime le consentement présumé de la victime. Cette loi pour la République a instauré l’article 226-2-1 du Code civil (L. no 2016-1321 du 7 oct. 2016, art. 67) qui prévoit que lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende.

La lettre de l’article poursuit en expliquant qu’est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1.

En l’espèce, si la plainte de M. Griveaux est accueillie favorablement par les juges sur le fondement de l’article 226-2-1 du Code pénal alors ces bourreaux encourraient deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende.

 

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SOURCES :

(1)    https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006417929&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20020101
(2)    https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=BECBE36507EAE832BBDE7CD7E1D5F46F.tplgfr28s_3?idArticle=LEGIARTI000006417930&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20020101&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=
(3)    https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000033207318
(4)    https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000025662321&fastReqId=1659574570&fastPos=1
(5)    https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024648119&fastReqId=2031428446&fastPos=1
(6)     https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028576042&fastReqId=1018618847&fastPos=2
(7)    https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024787833&fastReqId=153716733&fastPos=1
(8)    https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000035975054&fastReqId=493636778&fastPos=1

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