E-REPUTATION COMMERCIALE

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/ Avril 2021/

La Convention européenne des droits de l'homme dispose que " toute personne a droit à la liberté d'expression ". Cette liberté permet à chacun d'exprimer librement ses pensées et opinions. Seuls le maintien de l'ordre public, la lutte contre l'incitation à la haine raciale et l'ensemble des délits et crimes commis par voie presse sont de nature à la limiter.

Dès lors, qu'en est-il des avis négatifs émis sur internet en matière commerciale vis-à-vis de l'E -réputation d'une société?

Dans un arrêt du 31 décembre 2014, le Tribunal de Grande Instance de Clermont-Ferrand réaffirme la légitimité du principe de liberté d'expression en matière d'E.-réputation commerciale.

Avec l'avènement d'Internet, l'E.-réputation des entreprises devient essentielle à leur bon fonctionnement. En effet, l'impact des avis des consommateurs est considérable sur le volume des ventes, " 85 % de la valeur d'une PME réside dans sa réputation ".

Le numérique permet une toute nouvelle forme d'échanges par le biais de supports généralement incontrôlables par l'entreprise.


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En effet les nouvelles technologies de l’information et de la communication, de plus en plus présente dans notre quotidien, viennent accroître non seulement la facilité et le volume des échanges et interactions sociales entre particuliers, mais instaurent également un nouveau rapport liant particuliers et entreprises.

Dorénavant, les consommateurs ont la possibilité de se renseigner sur les produits qu’ils souhaitent acheter et de donner leurs avis le cas échéant.

Ainsi, la popularité d’une entreprise dépend significativement des avis et commentaires des internautes.

On comprend donc que, par ce biais les « rapports de forces », sinon inversés, sont du moins redistribués entre consommateurs et entreprises : à la manière du concept de « sousveillance » dégagé par Jean-Gabriel Ganascia, ces nouveaux liens expriment le pouvoir dont dispose désormais le citoyen, ici consommateur, par rapport à ceux qui organisent le marché et proposent des biens et services.

Le poids des commentaires des consommateurs, de fait, est considérable puisqu’il est possible par ce biais d’informer largement et « véritablement » les (potentiels) clients de l’entreprise de la valeur du produit ou service proposé.

Néanmoins, cette liberté d'expression, via les sites d'avis sur Internet, n'échappe pas à une certaine réglementation édictée principalement par la loi du 29 juillet 1881.

Dès lors, les avis et commentaires concernant une entreprise ne doivent pas être diffamatoires, injurieux, ou dégradants.

Le TGI de Clermont-Ferrand, le 31.12.2014, a pu se prononcer sur la détermination du caractère diffamatoire lorsque des avis négatifs sur internet sont émis en matière commerciale.

En l'espèce, une société a assigné le gérant d'un site internet d'avis au sein duquel elle avait reçu différents avis négatifs de la part d'internautes.

La société a indiqué que ces différents commentaires lui causaient un préjudice important du fait de leur caractère mensonger et a donc demandé la condamnation de l'hébergeur du site qui ne les avait pas retirés.

Les juges se sont donc interrogés sur le cadre juridique des avis négatifs en matière d'E-réputation commerciale.

De même, le 1er septembre 2020, la Cour de cassation s’est également prononcée sur une affaire de propos diffamatoire contre une société, sur internet, portant ainsi atteinte à son e-réputation. La Cour de cassation ne retiendra pas en l’espèce la diffamation au motif qu’il est nécessaire que les propos diffamatoires portent sur une personne déterminée, qui peut être identifiée.

Ce sont surtout, d’ailleurs, les avis négatifs qui font l’objet d’une réglementation : en effet, s’ils peuvent constituer l’expression libre et légitime d’une opinion (I), des limites doivent être imposées au regard des possibles atteintes à la l’e-réputation de l’entreprise (II).

I. Les avis négatifs, manifestation de la liberté d'expression

Les sites d'avis commerciaux, ou d'appréciation d'entreprise permettent aux consommateurs de juger la qualité des produits ou services offerts par une entreprise.

Ces nouveaux supports d'échange peuvent être perçus comme un moyen de renforcer la protection du consommateur face à certains abus des professionnels.

Dans l'affaire du 31 décembre 2014, la société ayant un préjudice au niveau de son E-réputation , apparaissait sur un site d'avis sur des sociétés, indiquait la présence de propos peu amènes et d'accusations de non-professionnalisme constituant, selon elle, des propos diffamatoires.

D'après la loi du 29 juillet 1881, est considérée comme diffamatoire " toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ", et ce qu'elle soit effectuée en ligne ou par voie de presse traditionnelle.

La jurisprudence précise que cette notion est caractérisée dès lors que l'honneur d'une personne identifiable est publiquement atteint par la divulgation d'une allégation de mauvaise foi. Cinq conditions cumulatives sont à réunir pour prouver un tel acte.

Or, pour le Tribunal, les propos peu amènes ne peuvent constituer une diffamation. Le manque d'amabilité d'un propos ne peut être de nature à porter atteinte à l'honneur d'une entreprise. De plus, ces propos avaient disparu depuis de nombreux mois et ne pouvaient donc pas constituer un trouble au sens de la loi.

Pour ce qui est des avis sur le professionnalisme de la société, le tribunal indique " ils ne sont pas répréhensibles eu égard à la liberté d'expression admise dans le cadre de relations commerciales ".

Le TGI a donc rappellé qu'un avis négatif, exprimant simplement l'opinion personnelle d'un internaute, qui n'impute pas à la société la commission d'une infraction pénale, d'actes illicites, contraires à la morale, à la probité ou encore aux bonnes mœurs, ne peut être caractérisé de diffamatoire.

Le simple fait d'émettre un avis négatif n'est pas répréhensible, mais relève du droit à la libre critique.

De plus, pour écarter la diffamation, le TGI a constaté que le site comportait d'autres commentaires ne présentant pas un caractère négatif.

Cette solution a été retenue dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon le 20 mars 2018 qui dispose qu’« Attendu que si le commentaire critique de services ou de prestations publié sur un site internet n’est pas en soi constitutif d’une faute ». Dans cet arrêt la Cour d’appel retient tout de même le caractère diffamatoire des propos, au motif que l’auteur des propos n’a pas bénéficié des services critiqués et qu’il y avait une intention de nuire, écartant la simple liberté d’expression. Le caractère fautif de l’avis négatif a été retenu. Toutefois, ce caractère fautif reste difficilement prouvable.

 

II. Cadre juridique des avis négatifs, réaffirmation des limites à la liberté d'expression sur les sites d'avis

Le tribunal de Clermont-Ferrand a précisé que les avis négatifs , dans le cadre de ce procès, n'étaient pas répréhensibles " sauf à établir des propos diffamatoires".

En conséquence, on peut en conclure que les avis négatifs pourraient constituer des propos diffamatoires dans d'autres circonstances.

La décision du tribunal vise de manière expresse le caractère diffamatoire de la publication, mais il est possible d'en déduire que les actions en dénigrement ou pour injure seraient également admises.

Depuis plusieurs années, l'e-réputation, tant au niveau personnel que commercial, devient un sujet sensible que les juges prennent de plus en plus au sérieux.

Certains arrêts ont fixé des limites à ne pas franchir par les consommateurs au nom de la liberté d'expression.

La Cour d'appel de Montpellier retient, en 2001, le caractère diffamatoire et dénigrant d'avis diffusés sur un blog. L'internaute en question relatait sur un blog des difficultés rencontrées avec un professionnel de la construction. Il avait alors publié "c'est aussi simple que de faire un meurtre et d'avoir une nouvelle identité pour ne pas répondre de ses actes !!! ", après que la société ait disparu sans explication.

La Cour a alors jugé ces propos diffamatoires à cause de leur formulation, en effet les dénonciations faites par l'internaute ne sont pas en soi condamnables puisque véridiques.

La plainte en diffamation, fondée sur la loi sur la presse de 1881, suit un régime probatoire très strict, où l'exceptio veritatis est invocable, et avec une prescription très courte de 3 mois à compter de la publication. Ainsi, il est très difficile pour une entreprise d'obtenir réparation sur ce fondement.

L'action en dénigrement, fondée sur le droit commun de la responsabilité civile (ancien Art 1382 devenu article 1240 du Code civil), permet de faire sanctionner et indemniser les atteintes à la réputation d'une société sur internet, plus aisément que ne le permet l'action en diffamation.

Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne ou une entreprise, par la critique de ses produits ou son travail, dans le but de lui nuire.

La jurisprudence admet en 1999 (CA Versailles, 09.09.1999) que le dénigrement peut être caractérisé dans les relations consommateurs/professionnels et pas seulement dans celles entre commerçants. En effet, initialement cette notion renvoyait à un acte de concurrence déloyale émanant uniquement d'une société concurrente.

Dès lors, un avis revêtira la qualification de dénigrement lorsque les termes employés sont injurieux. Le tribunal de commerce de paris, le 22.02.2013, retient cette qualification pour les termes " arnaque " et " escroquerie ".

En outre, l'exceptio veritatis ou la bonne foi ne peuvent justifier un acte de dénigrement (Cass com 12.10.1966).

La Cour d'appel de paris pose alors les principes (CA Paris 21.11.2013 Affaire Aigle Azur) pour déterminer un propos dénigrant ;

1. La dénonciation faite d'une action n'ayant pas donné lieu à une décision de justice est fautive

2. Les propos deviennent abusifs lorsqu'ils ne sont ni mesurés ni objectifs et témoignent d'une animosité personnelle de leurs acteurs.

"Si la critique de prix élevés, seraient-ils qualifiés d'exorbitants, relève du droit de libre critique qui appartient à tout consommateur, ce droit dégénère en abus lorsque, comme en l'espèce, la cherté des prestations de l'entreprise ciblée est dénoncée, sous le titre Stop à la vaste opération d'enfumage et d'escroquerie organisée !" ou les termes "l'arnaque cessera", les vocables utilisés, à connotation pénale, procédant de toute évidence d'une intention malveillante, dépassant le droit d'information".

Toutefois, ces arrêts restent des cas isolés. Les juges ont encore beaucoup de mal à trouver le juste équilibre entre liberté d'expression et abus lorsqu'il s'agit des avis négatifs des consommateurs.

La Cour de cassation est même allée jusqu'à préciser que l'usage de la liberté d'expression revêt un caractère abusif uniquement lorsque l'abus est expressément prévu par un texte spécial (diffamation loi de 1881). Le dénigrement peut donc être écarté, puisque régi par un texte de droit commun. (Cass. 1ère civ, 11 mars 2014)

Pour la Cour de cassation, les propos dénigrants des consommateurs sur un site d'appréciation d'entreprise relèvent généralement de l'intérêt général et donc échappent à l'usage abusif de la liberté d'expression.

La Cour de cassation dans un arrêt du 9 janvier 2019, précise qu’il n’y a pas de dénigrement si les propos reposent sur une base factuelle suffisante.

Dans une décision du 21 novembre 2019, le tribunal judiciaire de Nanterre, précise qu’il faut distinguer les propos visant la qualité des services proposée par l’entreprise pour inviter sa clientèle à s’en détourner et les propos qui portent atteinte à l’honneur ou la considération de la personne physique ou morale. Les premiers sont susceptibles d’une action en dénigration alors que les seconds font l’objet d’une action en diffamation.

Cette décision sera suivie dans son raisonnement par la Cour d’appel, dans un arrêt du 26 février 2020 qui dispose que « le jugement doit être réformé en ce qu’il a retenu leur caractère diffamatoire, alors qu’ils imputent uniquement aux défenderesses de ne pas avoir respecté leurs obligations contractuelles, manquements qui, à eux seuls, ne peuvent être considérés comme portant atteinte à leur honneur et à leur considération, faute de justifier du caractère délibéré de ces manquements. » Ainsi les propos qui ne portent pas atteinte à l’honneur ou à la considération de l’entreprise ne peuvent pas être qualifiés de propos diffamatoires, mais uniquement de propos dénigrants.

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SOURCES
http://www.avocats-picovschi.com/diffamation-sur-internet-attention-c-est-du-penal_article_390.html
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32079
http://www.le-droit-des-affaires.com/denigrement-definition-et-sanctions-article233.html
Crim., du 1er septembre 2020,

https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-de-cassation-ch-criminelle-arret-du-1er-septembre-2020/

Cour d’appel, Dijon, 1re chambre civile, 20 Mars 2018 n° 15/02004

https://web.lexisnexis.fr/LexisActu/CADijon_20mars_2018.pdf

Com., 9 janvier 2019, n° 17-18.350
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/chambre_commerciale_financiere_economique_3172/2019_9124/janvier_9125/64_9_41105.html

TGI Nanterre, 21 nov. 2019, Sté Auto-école Newton Levallois c/ X

Cour d’appel Paris, 26 février 2020, n° 18/24207

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