DROIT AU DEREFERENCEMENT

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/ Mai 2021 /

« Le juste équilibre entre la protection de la vie privée des individus et le droit au public à accéder aux informations ». C’est ce qu’essaie de concilier Google lors de l’évaluation des demandes d’effacement qui lui parviennent via un formulaire dédié à la suppression des liens faisant état de la vie privée des internautes et que ces derniers souhaitent voir disparaître.

La Convention européenne des droits de l’Homme, tout comme la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, soutient le droit au respect de la vie privée comme principe fondamental. À l’heure où l’informatique est plus que jamais au cœur des relations privées et professionnelles, la protection d’un tel principe apparaît essentielle. Le droit au déréférencement est un pas de plus dans cette direction.

En effet le droit au déréférencement, s’il a été dévoilé de manière « emblématique » par l’affaire Google Spain (sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin), trouve en réalité ses prémices au sein de travaux plus anciens, et notamment la directive de 1995 sur la protection des données.


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En France également, des traces de ce droit au déréférencement sont perceptibles assez tôt : si elle n’a pas abouti, un projet de loi constitutionnelle de 1977, porté par une commission spéciale créée à l’Assemblée nationale, soutenait déjà que « tout Homme a droit à la protection de sa vie privée. La loi assure notamment cette protection contre les dangers que peut comporter l’emploi de l’informatique ainsi que des techniques de collecte, conservation et utilisation d’informations ».

De même, fin 2010 deux Chartes du droit à l’oubli numérique furent érigées à l’initiative de Nathalie Kosciusko-Morizet, alors secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique du gouvernement français. Ces deux chartes suivirent une campagne menée pour promouvoir un « droit à l’oubli numérique ».

Mais bien évidemment, la consécration de ces démarches et du droit au déréférencement résulte de la décision de la CJUE du 13 mars 2014. D’ailleurs, et de manière emblématique, Tim Berners-Lee affirmait au journal Le Monde que « l’intérêt pour les libertés numériques est sans précédent ».

Les prémices

Tout a commencé par un arrêt célèbre datant du 13 mai 2014. Dans cet arrêt Google Spain, à l’occasion d’un recours préjudiciel en interprétation, la CJUE a décidé que le moteur de recherche Google est un responsable de traitement au sens de la directive 95/46/CE relative à la protection des données à caractère personnel.

De ce fait, le moteur de recherche Google est dans l’obligation de faire droit aux demandes de désindexation émises par les internautes sauf dans le cas où la demande concerne une information d’intérêt public.

Les faits remontent à 2010 et concernent une réclamation effectuée par un ressortissant espagnol auprès de l’autorité de protection des données espagnoles (AEDP) à l’encontre d’un journal, de Google Spain ainsi que de Google Inc.

En effet, le ressortissant espagnol reprochait au géant, suite à une recherche effectuée à partir de son identité, d’afficher parmi les résultats, des liens renvoyant vers les pages du quotidien datant de 1998 annonçant une vente aux enchères immobilières entreprise pour recouvrer une dette de sécurité sociale.

En l’espèce, on a bien une mise en balance d’un fait relatif à la vie privée du ressortissant espagnol remontant à 12 années en arrière et une nécessité du respect de la liberté de presse et donc de l’information du public.

Par cet arrêt, la CJUE a décidé que le moteur de recherche Google constitue bien un responsable de traitement et de ce fait se trouve soumis aux obligations de la directive 95/46/CE et plus précisément son article 12.b qui impose aux Etats d’obtenir des responsables de traitement «selon le cas, la rectification, l'effacement ou le verrouillage des données dont le traitement n'est pas conforme à la présente directive, notamment en raison du caractère incomplet ou inexact des données »(1). Suite à cette décision, le moteur de recherche Google a mis en place pour les internautes un formulaire de demande de désindexation.

 

La procédure : Le formulaire de désindexation

Sans même attendre la décision du juge espagnol, Google a mis en place un formulaire de demande de désindexation qui a eu un grand succès dès le début (12 000 demandes le premier jour, mais aujourd’hui ces demandes sont d’environ 1 million par jour) (2)

La procédure est donc simple. Il suffit de renseigner le formulaire en y annexant une copie de sa pièce d’identité valide et les liens litigieux. Si le lien ne reprend pas le nom de la personne (exemple : une image) alors l’internaute doit justifier le motif de la demande de suppression. Une fois signées et envoyées, toutes les cartes sont entre les mains de Google qui est seul à décider de la pertinence de la demande, des critères d’évaluation de cette pertinence et du délai qu’il juge nécessaire à l’étude de la demande.

Ce délai est légalement encadré en France. Google dispose de deux mois pour répondre à la demande de désindexation. En l’absence de réponse tout comme en cas de refus de désindexation, une plainte peut être déposée auprès de la CNIL

 

La situation actuelle

Bien que certains cas de saisine ne posent pas de difficultés concernant le motif légitime des plaignants ce qui était le cas des images violant le droit à l’image protégé par l’article relatif à la vie privée (article 9 du code civil).

En effet, ces images ont été publiées sur des sites en l’absence d’autorisation de l’objet des images. Bien que les photos publiées sur les liens litigieux soient celles d’un personnage public (en l’espère, un ex-mannequin), le TGI de Paris par une ordonnance de référé du 12 mai 2017 a fait droit à ses demandes de déréférencement des liens sur le moteur de recherche Google.

Ceci dit ce droit au déréférencement n’est pas systématiquement accueilli par les autorités. Et récemment, dans une décision du 24 février 2017, le Conseil d’État a posé plusieurs questions préjudicielles d’interprétation à la Cour européenne relatives à quatre saisines de la CNIL.

Dans chaque affaire, le plaignant avait effectué une recherche à partir de son nom pour constater :

- dans le premier cas, un lien renvoyant à un photomontage satirique mis en ligne à l’occasion de la campagne électorale et mettant en scène la directrice de cabinet du maire évoquant ses relations particulières avec ce dernier qui avait d’ailleurs changé de fonction depuis.

- dans le second, un lien renvoyant à un article du quotidien relatif au suicide d’un adepte de l’Église de scientologie dans laquelle le requérant cité avait été responsable des relations publiques.

- dans la troisième affaire, un lien renvoyant à des articles de presse relatifs à la mise en examen en 1995 du plaignant pour financement du parti républicain qui avait obtenu par la suite un non-lieu

- Enfin, dans la dernière affaire, un lien renvoyant vers deux articles relatifs à la condamnation pour agressions sexuelles sur mineur mentionnant plusieurs détails intimes révélés lors du procès.

 

Même en se référant à l’arrêt Google Spain de 2014 mentionné précédemment, le Conseil d’État a considéré que ce dernier n’était pas suffisant pour lui permettre de prendre sa décision et a préféré demander des éclaircissements à la CJUE afin de pouvoir traiter ces cas concrets.

Le Conseil d’État demande si l’interdiction de traiter des données sensibles au sens de l’article 8 de la directive 95/46/CE sous réserve des exceptions s’applique au moteur de recherche ?

Et si l’application de cette interdiction de traiter des données sensibles et relatives aux infractions devait obliger le moteur de recherche Google à faire droit à la demande de déréférencement ?

Quand bien même certains de ces liens renvoient vers des articles de presse ou d’expression artistique ou littéraire donc ont pour objet l’information du public.

D’autres questions concernaient l’influence de la licéité ou de l’illicéité du contenu du site indexé, mais aussi de l’influence du caractère incomplet, inexact ou obsolète de ces informations…

La réponse de la Cour est d’autant plus attendue étant donné qu’un an nous sépare de l’entrée en vigueur du nouveau règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE.

Notons que, quand bien même ces liens seraient condamnés à disparaître, cette disparition se limiterait aux versions européennes de Google pour le moment. Ce qui signifie qu’il suffit de se rendre sur une autre version de ce moteur de recherche pour retrouver les résultats supprimés même suite à une décision judiciaire.

L’obligation de déréférencement et du droit à l’oubli, fut encore complétée récemment par deux arrêts de la CJUE du 24 septembre 2019. L’arrêt rappelle qu’il existe une obligation de déréférencement à l’égard des exploitants d’un moteur de recherche, mais la Cour ajoute également que si les données illicites faisant l’objet du déréférencement sont des données « sensibles » alors l’étendue du déréférencement peut être mondiale.

En effet, la CJUE va limiter la responsabilité des moteurs de recherche, car elle prévoit une « vérification à effectuer, sous le contrôle des autorités nationales compétentes, sur la base d’une demande formée par la personne concernée ».

Le principe reste donc la suppression des contenus illicites. Mais il existe désormais des exceptions. Notamment, quand ces contenus ont été manifestement rendus publics par la personne concernée, ou quand ces contenus sont nécessaires à la constatation, à l’exercice ou à la défense d’un droit en justice, ou encore quand ces contenus sont « strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes (…) à avoir accès à cette page web au moyen d’une telle recherche ».

Ces exceptions répondent à des conditions, tout d’abord, il faut que le traitement soit licite, ensuite il faut que la personne concernée n’ait pas exercé son droit d’opposition. Enfin un contrôle de proportionnalité peut être effectué pour s’assurer du caractère « strictement nécessaire » du droit à l’information des internautes. Par ailleurs, concernant cette exception du droit à l’information à l’internaute, une fois que les contenus ne correspondent plus à la situation actuelle, ils doivent être immédiatement supprimés.

Par ces arrêts la CJUE estime également qu’il n’existe pas d’obligation à étendre le référencement à l’ensemble des versions du moteur de recherche. De même la portée du déréférencement n’a pas vocation à s’étendre au-delà des États membres de l’Union européenne, mais la Cour n’interdit pas le déréférencement mondial.

Tant que les exploitants de moteurs de recherche satisfont « à toutes les exigences légales et avoir pour effet d’empêcher ou, à tout le moins, de sérieusement décourager les internautes dans les États membres d’avoir accès aux liens en cause à partir d’une recherche effectuée sur la base du nom de cette personne ».

Pour lire une version mobile du droit à l'oubli, cliquez

Articles en relation :

Sources :
(1)http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A31995L0046
(2)https://www.nextinpact.com/news/89364-google-recoit-desormais-million-demandes-dereferencement-par-jour.htm
CJUE 24 septembre 2019, C-136/17
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=C79A640026AB3A4E4C65E98489F26D6B?text=&docid=218106&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1821952
CJUE 24 septembre 2019, C-507/17
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=218105&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1822270

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